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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/194

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corps. Personne ne serait venu consulter de vieilles et laides magiciennes ; on n’aurait pas eu la moindre foi en celles-là, puisqu’elles n’avaient pas eu le pouvoir de se faire belles, c’est-à-dire de se donner la véritable et seule richesse des femmes. Puis les temps sont venus, où, par une dépravation incroyable, les hommes, toujours convoitant les secrets de l’avenir, ont recouru aux sorcières affligées de vieillesse et de laideur ; il est vrai que les belles femmes ont trouvé depuis des ressources plus lucratives, et se sont retirées d’une profession qui jetait sur elles les teintes fatales de l’enfer chrétien.

Menai-Woolf, l’illustre magicienne de l’Irlande, tenait ses assises de nécromancie dans un recoin, très-probablement fréquenté par des esprits inspirateurs qui se mêlent, sans être vus, aux affaires de l’humanité visible. Autour de son trône les herbes étaient maigres, les plantes rabougries, les arbustes tordus, les fleurs livides, comme si des pieds de démons eussent foulé ce sol maudit, dans des rondes infernales, sous la maligne influence des lunes du samedi ; ou comme si des vapeurs sulfureuses, exhalées des lieux profonds, eussent desséché, dans ce val, tout ce que la terre produit, avec tant de luxe, aux environs de Killarney.

Le fermier et sa femme tentèrent ce pèlerinage, et comme ils avaient acquis de la richesse, ils ne sollicitèrent pas longtemps les faveurs de la magicienne elle leur donna audience, le premier soir, un peu après le coucher du soleil.

Menai-Woolf remplissait sa mission avec une conscience très-évidente, et qui excluait tout soupçon de fourberie mercantile : c’était une magicienne qu’il fallait nécessairement