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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/196

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Le fermier expliquait le motif de sa visite à la magicienne, mais sa femme était toujours plongée dans une admiration extatique, et ses deux mains ne se déjoignaient pas.

Menai-Woolf écouta sans regarder le fermier et quand celui-ci eut fini de parler, elle inclina, majestueusement sa noble tête, comme pour dire j’ai compris, et fit signe aux deux villageois de se retirer un peu à l’écart, pour ne pas troubler ses profondes méditations.

Patrick eut toutes les peines du monde à retirer sa femme de son extase d’admiration, causée par la solennelle beauté de la magicienne.

Menai-Woolf, assise sur un trône, ouvrit le volume mystérieux, qui se nomme le livre par excellence, le seul qui ait échappé à l’incendie d’Omar, et qui, écrit sur des feuilles d’amiante, resta incombustible devant la torche du kalife. La magicienne lut le fameux chapitre intitulé Tetragrammaton, ce mot que la bouche ne peut prononcer sous peine de rester muette ; elle prononça au rebours, comme Satan, le verset d’espérance[1], qui se change en cri de désespoir ; elle cueillit de sa main gauche une touffe de verveine, trois feuilles de houx, une fleur d’ancolie sauvage, et les lança derrière sa tête, en disant sept fois : Blake-Devil, come here ! Diable noir, viens ici ! Après quoi elle prit son sceptre, ou pour mieux dire, sa baguette magique, joyau de nécromancie fabriqué dans une grotte de Blue-Hill, par un ouvrier mys-

  1. Ce verset entrait dans les expériences nécromanciennes, lu au rebours.
    In te, Domine, speravi, non confundar in æternum.
    Au rebours :
    In æternum confundar, non speravi, Domine, in te
    .