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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/198

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respectueusement la baguette magique, reprirent le chemin de leur ferme. En arrivante ils regardèrent leur fille pour voir si l’expérience nécromancienne avait corrigé les vices incurables de sa laideur. Hélas cette pauvre jeune fille était encore plus affreuse qu’à l’époque où elle vagissait dans son berceau. Comptez sur le vice-roi d’Irlande après cela !

En supprimant les détails intermédiaires et les chapitres oiseux, qui sont les broussailles du récit, nous franchissons tout de suite le court espace de six mois, et nous retrouvons la fermière Patrick, mère d’une seconde fille, mais, cette fois, la prédiction de la magicienne parut avoir quelque chance de succès autour du nouveau berceau.

Edith, on la nomma ainsi, fut saluée par des cris d’admiration, et une grande profusion de very-nice, dès qu’elle vit le jour. En général, les Irlandaises et les Irlandais naissent beaux, mais Edith faisait encore exception à cette règle ; elle était d’une beauté incomparable comme enfant nouveau-né, sa taille même était précoce ; on lui aurait donné un an lorsqu’elle naquit ; aussi les voisins, conviés au baptême, prédirent qu’Edith serait la plus jolie et la plus belle femme de l’Angleterre et peut-être de l’univers.

Le fermier et la fermière échangeaient des regards d’intelligence, et se comprenaient à merveille. Seulement ils ne parlèrent à personne de la prédiction, en songeant au proverbe bourgeois chose : chose annoncée n’arrive pas.

On arrivait de tous les points du comté à la ferme de Patrick pour voir ce miracle de beauté enfantine, et toutes les mères demandaient à Dieu de leur donner une Edith à la première occasion. Il vint même des familles qui habitaient