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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/199

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les bords de l’océan Atlantique, et qui avaient entendu parler de la fille de l’heureux fermier de Killarney. C’était une éternelle procession de curieux ou d’indiscrets, mots synonymes souvent.

Edith croissait en beauté, quoique la chose parût impossible : chaque jour nouveau ajoutait une grâce nouvelle à l’adorable enfant ; le seul défaut qu’on aurait pu rencontrer sur ce visage divin, c’était une trop longue absence de sourire. Edith avait un air grave à l’âge de six mois.

Était-ce là un défaut réel ? Les voisins, se divisaient en deux opinions bien distinctes. Quant au père, il voyait avec joie cette gravité si précoce, qui annonçait la vice-reine de Dublin. Les voisins, n’étant pas dans le secret, contrariaient Patrick qui se taisait, en souriant, comme un homme jaloux de son secret.

Laissons Edith croître et se développer au milieu d’une admiration toujours soutenue, et arrivons à la phase où son histoire commence à sortir de l’obscurité d’une ferme, pour rayonner dans les plus hauts lieux.

À quinze ans, Edith était si merveilleusement belle, que tous les fermiers eux-mêmes, malgré leur amour pour l’agriculture, avouaient hautement que ce soleil d’amour n’était plus à sa place dans une chaumière, et que les parents commettaient une sorte de crime en ensevelissant Edith dans les brouillards de Killarney.

Ces reproches causaient le plus grand plaisir à Patrick et à sa femme ; ils étaient tous deux fort rusés, et ils connaissaient l’esprit des voisins.

— Voilà précisément ce que j’attendais, — dit Patrick à