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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/205

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La fermière ne s’expliquait pas, mais elle avait raison.

Ce dimanche venu, il y avait encore beaucoup plus de monde à Phœnix-Park. La nouvelle du phénomène avait circulé en ville, et le vice-roi lui-même s’était fait humblement piéton et simple promeneur, pour voir la merveille dont la ville retentissait depuis six jours. Le désappointement fut général. Tout Dublin attendit le phénomène de beauté ; Edith ne parut pas.

Le vice-roi regarda tous les visages de femme ; il connaissait toutes les beautés de Dublin ; il n’aperçut rien de nouveau, et comme les autres, à l’heure des complies, il remonta à cheval, devant la grille, et reprit mélancoliquement le chemin de son palais.

La demeure d’Edith avait été découverte par quelques-uns de ces jeunes gens oisifs et hardis, dont le métier est de suivre les femmes, et de prendre le numéro de leurs maisons. Une promenade et une station s’établirent à Sakeville-Street, devant la maison de la merveille obstinément recluse. Il fut même de bon ton de venir, tous les jours, passer quelques heures sous les fenêtres d’Edith ; on espérait ainsi arriver à satisfaire une curiosité de jour en jour plus irritante. De progrès en progrès, cette mode prit enfin un caractère inquiétant. La mère d’Edith jugea l’instant favorable pour faire décemment, et à petit bruit, un scandale avantageux.

Elle ferma Edith à double tour dans son appartement, et se rendit avec son mari chez plusieurs hauts magistrats chargés de la sûreté de la ville.

Les magistrats écoutèrent la plainte des époux, et firent tous la même réponse :