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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/206

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— Les citoyens sont libres de se promener et de stationner partout où bon leur semble, et aucune Edith ne peut leur ravir cette liberté.

— Eh bien ! dit mistress Patrick, nous irons nous plaindre au vice-roi, puisque les subalternes ne nous écoutent pas.

— Allez-vous plaindre au vice-roi, répondirent les magistrats.

Patrick demanda une audience au vice-roi.

En ce temps-là ces audiences étaient immédiatement accordées à des plaignants.

Ce fut la mère qui porta la parole devant ce haut fonctionnaire ; elle raconta le blocus de sa maison, et ajouta :

— Certainement, nous ne contestons pas aux citoyens le droit de se promener ou stationner partout où bon leur semble ; mais il ne faut pas que la liberté de tous enchaîne la liberté d’une famille ; nous ne devons pas être seuls, mon mari, ma fille et moi, les esclaves de la liberté du peuple de Dublin. C’est pourtant ce qui arrive. Nous sommes de vrais prisonniers dans notre maison de Sakeville ; nos persiennes sont closes ; il ne nous est pas même permis de respirer l’air que Dieu donne à tous ses enfants.

Le vice-roi écouta cette doléance avec bonté.

— Madame, lui dit-il en souriant, vous êtes la plus heureuse des mères, et votre plainte le prouve ; quelle femme ne voudrait être à votre place ! Cette violence extérieure que Dublin exerce contre la liberté de votre famille est le compliment le plus flatteur qu’un peuple puisse adresser à la beauté de votre jeune Edith. Quoique investi d’un pouvoir très-grand, je me trouve dans un singulier embarras, et après