Aller au contenu

Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avoir réfléchi mûrement, je crois que le vice-roi d’Irlande n’a qu’un seul conseil à vous donner.

— Quel conseil, Monseigneur ? demanda la mère d’Edith avec émotion.

— Un conseil bien simple, poursuivit le vice-roi, celui de quitter Dublin, et de choisir pour votre résidence une grande ville comme Londres, où les existences disparaissent ou passent inaperçues dans le tourbillon général.

Ce conseil ne répondait point aux vues ambitieuses de l’ex-fermière, et contrariait trop la marche de la prédiction.

— Monseigneur, — dit la mère d’Edith avec une fermeté respectueuse, — nos affaires de commerce nous appellent à Dublin ; notre fortune, qui est considérable, est engagée dans le mouvement industriel de cette ville, et nous ne pouvons aller à Londres, où nos intérêts ne sont pas en ce moment.

Le vice-roi, qui n’avait jamais vu Edith et qui craignait de voir partir sa famille en perdant l’occasion de connaître la merveille dont s’entretenait Dublin, imagina un moyen fort naturel d’ailleurs pour satisfaire sa curiosité.

— Madame, dit-il, j’ai en ce moment de graves affaires ; mes courriers de Londres m’attendent, et je ne puis improviser une loi qui concilie la liberté des citoyens et la vôtre. Mais, voici ce que vous avez à faire. À l’heure du lunch, je vous enverrai ma voiture, et une escorte de quatre dragons de Cold-Stream. Vous reviendrez chez moi avec votre mari et votre jeune Edith, et nous aviserons en famille pour le mieux ; croyez-le bien.

La rougeur de l’orgueil enlumina le visage de la mère d’Edith ; elle salua respectueusement le vice-roi, et son geste