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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/215

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— Raison de plus pour le craindre, mon cher Masse. Si le Solide m’appartenait, je pourrais courir cette chance, dont je ferais seul les frais ; mais je suis investi de la confiance du plus honnête des armateurs, Élisée Baux, je dois me rendre digne de cette confiance. Il nous reste encore beaucoup à faire pour accomplir notre mission nous avons à soigner activement notre commerce de pelleteries sur les côtes de la Chine, et je regrette déjà le temps perdu ici. Quel malheur, ensuite, si je manquais les moussons dans l’océan Indien ! Tous mes plans seraient renversés.

— Mais, capitaine, ce n’est pas un jour passé aux Mendoces qui nous attirera tous ces malheurs.

— Masse, vraiment, je ne vous comprends pas, en ce moment… d’honneur je ne vous comprends pas.

— Comment ! capitaine ! expliquez-vous.

— Masse, c’est la première fois, depuis notre départ de France, que je vous trouve en désaccord avec moi.

— Mais… capitaine… il me semble…

Masse cherchait une phrase et ne trouvait rien.

— Eh bien ! voyons, Masse, donnez-moi une bonne raison… Ordinairement, vous avez l’élocution très-facile… Pourquoi apprenez-vous ainsi à bégayer ?

— C’est que, voyez-vous, capitaine… je crois… à vous parler franchement, que les matelots murmurent.

— Eh ! mon Dieu ! les matelots murmurent toujours, mon cher Masse. Ils murmureront une fois de plus, voilà tout.

— Prenez garde, capitaine ; cette fois, ils se mutineront.

— Vous croyez ?

— Je le crois, et je le crains… mon cher capitaine ; nos