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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/216

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matelots ont beaucoup souffert, et ils ont souffert sans se plaindre ; nous avons eu le scorbut à bord ; les matelots ont besoin de toucher la terre et de boire du lait de coco, qui est le meilleur de tous les antiscorbutiques, comme l’affirment avec raison Bougainville et Cook…

— Bien ! bien ! je sais cela… après ?

— Après… Voici, capitaine… nous avons promis à l’équipage quelques jours de terre. Ces pauvres marins ont tant souffert sans se plaindre !

— Mais nous sommes maintenant au bout de nos fatigues. Nous voguons sur de belles eaux et nous arriverons sous peu à l’archipel des îles de la Société, où il a beaucoup moins de danger pour nos marins.

— Permettez-moi, capitaine, de ne pas être de votre avis. Nos marins trouveront dans tous les archipels les dangers qu’ils courent ici, en supposant que ce soient là de véritables dangers.

— Enfin, mon cher Masse, — dit le capitaine en souriant, nous venons de tenir une espèce de conseil d’amirauté, à nous deux. Je veux bien vous céder en cette occasion. Seulement, je prendrai un terme moyen.

— Voyons votre terme moyen, capitaine.

— Je resterai à l’ancre devant cette île pendant trois jours.

— Bien ! capitaine.

— Et j’enverrai à terre chaque jour le tiers de l’équipage.

— C’est cela, capitaine.

— Quant à moi, je ne bougerai pas du bord ; mon devoir me cloue ici comme un canon. Vous, mon cher Masse, vous