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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/217

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commanderez les embarcations qui se rendent à terre, et je vous rends responsable des désertions. Acceptez-vous ?

— J’accepte, capitaine, et personne ne désertera, croyez-le bien.

— Dieu le fasse !

Le capitaine Marchand, qui n’avait jamais vu son lieutenant si obstiné dans une opinion, soupçonna quelque mystère, et se promit bien de l’éclaircir.

Il descendit d’abord dans sa chambre, avec l’air empressé du travail en retard ; et quelques instants après, il remonta furtivement sur le pont. Le mystère fut tout de suite éclairci.

La jeune Mendoçaine Mutzi était toujours assise sur son divan de voile roulées, dans une superbe nonchalance créole, et elle regardait d’un œil intelligent, une déclaration en pantomime que Masse lui adressait, comme un premier sujet chorégraphique du ballet de Psyché.

Marchand inclina sa tête sur la mer, pour dérober un commencement d’éclat de rire à des matelots qui ne doivent jamais voir rire leur capitaine. Masse continuait ses madrigaux mimés avec une sorte de réserve pourtant, car il avait sa gravité de chef en second à soigner en public. Le capitaine Marchand ne voulut pas en savoir d’avantage, il en savait déjà trop. Redescendu dans sa cabine, le capitaine écrivit un billet à Masse, et le fit porter par un pilotin à son adresse. Ce billet était ainsi conçu :

Le lieutenant Masse mettra trois embarcations en mer, avec le tiers de l’équipage. On sera de retour à bord au coucher du soleil.

Marchand.