Aller au contenu

Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/220

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ah ! — dit Marchand, avec un sourire railleur, — voilà une chose que j’apprends.

— Capitaine, dit Masse, je n’ai pas la prétention de vous apprendre quelque chose, je me contente de faire un appel à vos souvenirs.

— Soit, dit Marchand ; ainsi, et admettant que ce point noir nous annonce une tempête horrible, que feriez-vous ?… Tenons un second conseil.

— Ce que je ferais, capitaine, est fort simple ; je ferais remonter nos hommes à bord, et je profiterais de cette petite brise qui se lève pour doubler l’île et gagner l’ancrage de la côte sud, où les montagnes nous abriteront cette nuit contre le grain qui va nous venir du nord.

— Comment, — dit le capitaine en riant, — après avoir tant plaidé pour une descente, vous voulez remettre à la voile, maintenant ? Mon cher Masse, je ne vous comprends pas.

— Je me suis rangé à votre avis, capitaine, en voyant ce terrible petit nuage, qui est un infaillible avant-coureur d’un grand danger.

— Eh bien dit Marchand avec un accent où perçait la plus exquise raillerie, — je ne veux pas vous contrarier, mon cher lieutenant, nous allons faire remonter nos hommes à bord.

— Oui, — dit Masse avec une bonhomie bien jouée ; — vous verrez, capitaine, que vous ne vous repentirez pas d’avoir suivi mon conseil.

Marchand, qui saisissait avec empressement cette occasion de jouer une scène de comédie, chose toujours fort amusante dans les ennuis du bord, leva les yeux, comme par hasard,