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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/233

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— Et Dilara ? Dilara ? interrompit brusquement le sultan.

— L’étoile du ciel, la perle de la mer que Sa Hautesse nomme Dilara, se rend au pavillon des glaces pour lire le Koran, ainsi que Sa Hautesse le lui a permis.

— C’est juste ! — dit le sultan ;… oui, j’avais oublié que je lui avais donné cette permission… Tu peux te retirer… ne parle de rien à personne… entends-tu ?

Le chef des eunuques s’inclina.

— Seulement, poursuivit le Grand-Seigneur, tu diras dans tout le harem que demain, au milieu du jour, j’irai pour la dernière fois m’exercer à la carabine, dans la prairie de Térapia… pour la dernière fois… entends-tu bien ?… Si on te demande pourquoi, tu répondras que le commandeur des croyants abandonne cet exercice, parce que son adresse est arrivée à un tel point qu’il n’a plus rien à acquérir du côté de la justesse et de la précision du coup d’œil.

Le chef des eunuques se prosterna, et après avoir balayé la poussière du tapis avec son front, il se releva et sortit.

Le commandeur des croyants avait ainsi arrêté un plan superbe. Si Dilara vient dans le pavillon des glaces, se dit-il, pour y recevoir, je ne sais trop comment, quelque visite de chrétien, elle y viendra demain, à coup sûr, en apprenant que demain je sors à midi pour la dernière fois. Il me tarde trop de découvrir la vérité !

En effet, le lendemain une escorte très-nombreuse et très-brillante sortit à cheval du palais, un peu avant midi, selon l’usage, et prit le galop sur le chemin de Térapia.

Mais cette fois l’escorte n’escortait personne. Le sultan s’était ménagé un poste d’observation dans les larges plis