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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/234

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d’une portière, à l’angle le plus obscur du pavillon des glaces.

C’était au fort de l’été, la chaleur extérieure devenait intolérable ; tous les marins ancrés dans la rade, devant l’arsenal de Tophana, et à la pointe du sérail, dormaient et faisaient une sieste profonde. On n’entendait pas un cri, pas un chant. Le flot même était assoupi sur la grève. Ce silence ressemblait beaucoup à celui qui règne dans les nuits de l’hiver, lorsque la neige couvre la campagne. Seulement, au lieu de neige, il y avait sur la mer, la ville, la campagne, une éblouissante irradiation de soleil.

À ce coup de midi, si semblable à minuit, un jeune midshipman tentait une expédition inouïe dans les annales du harem impérial, il côtoyait sur une petite barque la pointe du sérail, s’y accrochait avec les pieds et les mains en passant comme à un mât de vaisseau, et se glissant sous la persienne, il pénétrait dans le pavillon des glaces d’Achmet III.

Le retour était plus aisé, car la petite barque devenait inutile. Ce hardi midshipman regagnait à la nage le Cutter le Spak, ancré dans la rade.

Donc ce jour-là, le midshipman, sans doute prévenu, comme d’usage, par quelque signal de persienne, prit le chemin accoutumé et pénétra dans le pavillon d’Achmet.

Dilara y était déjà et attendait en fumant la superbe pipe du pacha de Laodicée, la même qui donnait tant d’extases au sultan, avant les visions du miroir.

Le jeune Anglais tomba aux genoux de l’odalisque ; puis il s’assit sur un coussin, et prit à son tour la fameuse pipe