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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/236

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ressemblait beaucoup à un évanouissement. Les odalisques sont si trompeuses !

Le sultan qui était habitué aux évanouissements de ses femmes laissa toute sa liberté d’inaction à Dilara, et se mit à réfléchir sur un sujet beaucoup plus sérieux que l’infidélité d’une femme ; car, avant tout, ce noble sultan ne songeait qu’aux progrès des sciences et des arts. Il réfléchit donc sur les mystérieuses propriétés de l’ambre, comme avait réfléchi le premier qui surprit les vertus de la pierre d’aimant. Après avoir longuement pensé, le front appuyé sur ses deux mains, comme l’alchimiste qui cherche la pierre philosophale, il trouva une solution à cet effrayant problème. Cette solution ne donnait pas une satisfaction absolue, mais à défaut d’une meilleure, on pouvait raisonnablement s’en contenter.

L’ambre, — se dit le sultan métaphysicien, — est un corps d’une nature poreuse et absorbante, et ses propriétés attractives sont d’un ordre bien supérieur à celles de l’aimant. L’ambre attire et conserve ; une chose qui se réflète en lui, y est gardée comme un mirage, que la chaleur des lèvres et la combustion du tabac font reparaître dans un miroir.

On est toujours disposé à trouver bon le système qu’on a inventé. Or, le sultan s’approuva, et se sut à lui-même beaucoup de gré d’avoir trouvé une solution qui donnait le calme à ses esprits. Et comme il levait la tête pour voir si Dilara s’obstinait encore dans son évanouissement, il se trouva seul dans le pavillon des glaces. L’odalisque avait disparu.

On donna des ordres pour la trouver, on ne la trouva pas.

Heureusement, le sultan trouva de grandes consolations à ce malheur, d’abord dans une foule d’autres odalisques