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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/267

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Au même instant, Mahia vit tomber sur sa bouche une main nerveuse, et luire devant ses yeux un poignard.

— Pas un cri, ou tu es morte ! dit une voix à son oreille.

Mahia s’évanouit, absolument comme aurait fait une Européenne en pareille situation.

Quand elle reprit ses sens, elle poussa un cri de douleur…

Sa belle chevelure avait disparu ; elle était chauve ; il ne lui restait plus que sa beauté, trésor vulgaire qu’on trouve dans tous les sérails.

Le marchand arménien avait réussi au delà de tous ses souhaits, car il ne comptait pas sur un évanouissement qui le dispenserait d’user de violence.

Rien ne peut dépeindre le désespoir de l’émir, lorsqu’il revit Mahia chauve, comme un cèdre de Phénicie âgé de mille ans.

— Je vais venger cet affront ! s’écria-t-il ! Je veux mettre Bengador à feu et à sang, pour punir le coupable. Mes armes ! mes soldats ! mes chevaux !

Mahia fut bien inspirée.

— Mon doux seigneur, dit-elle, cet affront ne me vient pas des hommes, mais des dieux ; ainsi renoncez à toute idée de vengeance. J’ai plongé ma tête dans les eaux saintes du fleuve, et avec un sentiment d’orgueil que les dieux ont voulu sans doute punir, ma chevelure est demeurée au pouvoir de ces êtres invisibles qui exécutent les ordres de Myhassor.

À ce nom de Myhassor, l’émir trembla comme un jeune palmier, au vent du midi.

Mahia donna même ensuite de nouvelles et bonnes raisons