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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/277

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cette couronne d’or lui sied bien ! comme cette parure la met au-dessus de toutes les femmes ! comme les hommes sont petits et s’abaissent devant cette gracieuse majesté !

Alors un chœur, composé de toutes les voix, de tous les éloges, de tous les amours, s’éleva sous les colonnades de Bélus ; ce fut comme l’expansion du délire voluptueux de tout un peuple. Il n’y manqua, sans doute, que ces notes langoureuses qui s’exhalent de l’orchestre de Rossini lorsque le cor accompagne l’hymne d’amour entonné au pied du trône de Sémiramis. La reine superbe traversa tout le péristyle, malgré sa longueur, et, à chaque pas, elle entendait éclater le même enthousiasme, elle rencontrait le même amour ; Babylone brûlait pour une seule femme, et les brises de l’Euphrate, le parfum des fleurs, le murmure des fontaines, semblaient plus doux encore sous les vertes arcades des jardins suspendus.

Il y avait là des rois venus du golfe Persique, des confins de l’Éthiopie, des profondeurs de l’Afrique, et même des régions de l’Indus ; ils étaient tous humbles comme des esclaves devant la reine magnifique, et ils lui offraient sur son passage, dans des corbeilles de géroflier, des trésors de myrrhe, d’aloës, de nard, de cinname et d’encens.

Trois princes, parents de Ninus, avaient choisi exprès cette fête pour assassiner Sémiramis, toujours selon l’usage de cette époque, où les souverains étaient assassinés dans une fête : eh bien ! ce complot avorta. Les princes et leurs complices jetèrent leurs poignards dans l’Euphrate lorsqu’ils virent étinceler la couronne d’or sur le front de Sémiramis. Bien plus, on savait généralement dans Babylone que la