Aller au contenu

Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/278

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reine avait assassiné son mari, et quoique cet accident de cour fût passé dans les mœurs, l’instinct moral des bons Babyloniens n’en était pas moins blessé ; beaucoup même avaient manifesté hautement l’indignation causée par cet assassinat de tradition assyrienne.

Dès que Sémiramis parut, ces haines sourdes s’évanouirent, cette indignation se calma ; on ne voulait plus croire à un si grand crime en voyant une si grande majesté.

La couronne projetait des ombres douces sur le front et le visage de la reine, et faisait ainsi disparaître les traces déposées par le crime et les remords.

Alors commença le règne le plus glorieux dont l’histoire ait gardé le souvenir, règne de près d’un demi-siècle, et tout consacré à la gloire de l’Orient. Jamais la civilisation ne s’est élevée si haut chez un peuple, ainsi que l’attestent encore aujourd’hui les plus beaux et les plus considérables monuments des arts. Sémiramis fit admirablement bien deux choses également glorieuses, surtout la seconde, la guerre et la paix.

Dans un empire composé de plusieurs empires, cette grande reine ne comptait qu’un seul ennemi ; fra tanti regi, e popoli, parmi tant de rois et tant de peuples, comme dit le poëme italien de Sémiramis, un seul ennemi, c’est bien peu. Les rois et même les reines en ont toujours eu bien davantage. Cet ennemi isolé se nommait Osroës ; il était grand-prêtre de profession, croyait descendre du soleil en droite ligne, ce qui lui donnait beaucoup d’orgueil et justifiait ses projets ambitieux.

Sémiramis, toujours très-occupée à suspendre des jardins,