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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/282

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au golfe Mexicain. La riche habitation de las Ginestas appartient à la famille Figueroa-d’Elbonza, qui a donné des gouverneurs à la Havane.

Le mariage de Lilia, jeune fille d’une beauté merveilleuse, avec le comte d’Elbonza, fit grande rumeur à la Havane ; il y eut vingt-deux jours de fêtes nuptiales, on dansa vingt-deux nuits. Les créoles sont comme les Indiens ; eux seuls savent vivre ; le plaisir les amuse, et ils ne savent pas mettre des bornes au plaisir ; un bal d’une nuit les met à peine en mouvement, mais quand ils ont commencé, ils ont horreur de la fin, et ils ne finissent pas.

Lilia et son jeune mari auraient fait envie aux premiers époux du paradis terrestre, même avant la fatale pomme. Les lunes de miel se succédaient pour eux, et promettaient de briller toujours sur leur horizon nuptial ; rien de suave à l’oreille comme les paroles qui sortaient de la bouche du comte d’Elbonza, dans les heures ardentes du jour, lorsque la mer voisine envoyait ses brises de midi au vallon de las Ginestas, et que les larges éventails des magnolias versaient une fraîcheur parfumée sur les gazons de repos.

Un jour surtout, oh ! ce jour devait rester mémorable à jamais dans le front de Lilia ! La mer roulait des paillettes de soleil sur sa plaine de saphir, les aloës, les genêts d’or, les jasmins espagnols, les roses chinoises de l’hibiscus, les lavanteras aux clochettes d’argent composaient un seul parfum de toutes leurs essences mêlées, et les magnolias faisaient pleuvoir leurs fleurs d’ivoire, comme la neige du tropique, dans le vallon bienheureux.

La belle et jeune Lilia respirait ces parfums avec une sen-