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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/285

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celui du marbre ciselé sur un sépulcre. On devina tout de suite que cette veuve ne se consolerait jamais.

Les jours et les mois amenèrent fort peu de changement dans les habitudes de Lilia. Ce ne fut même qu’après deux années que la jeune veuve détacha de sa parure le dernier signe de deuil, et qu’elle hasarda un sourire pour obliger sa famille qui le lui demandait.

Un jour, son beau-père lui dit :

— Ma chère fille Lilia, toutes les douleurs doivent avoir un terme lorsque le désespoir ne tue pas, on doit remercier Dieu qui nous a donné la grâce de vivre, et on doit recommencer à vivre, selon les lois de la société.

— Il me semble, dit Lilia en souriant, — que je suis tout à fait dans ces dispositions, et qu’en me résignant à vivre et à sourire, je témoigne assez que je sais reconnaître les faveurs de la Providence.

— Ma fille, dit le beau-père, cela ne suffit pas. La société impose aux familles nobles des devoirs et des obligations…

— Quels devoirs et quelles obligations ?… demanda Lilia du ton d’une femme qui sait ce qu’elle a l’air d’ignorer, et qui est toute prête à répondre.

— Mais, ma chère fille, ceci n’a pas besoin d’être expliqué.

— Au contraire, expliquez toujours.

— Eh bien que répondriez-vous si un parti riche et avantageux se présentait à vous ?

— Je répondrais que je suis veuve.

— Alors vous accepteriez, ma fille ?

— Non, mon cher père, je refuserais.