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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/291

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— Mon beau-père, j’ai sur le veuvage des idées qui ne sont pas les vôtres.

— Ni celles de tout le monde, ma fille.

— Est-ce ma faute si tout le monde se trompe ?

— Oui, tout le monde se trompe, excepté vous, Lilia.

— Cher beau-père, voulez-vous parler raison, un seul instant ?

— Oui, il y a d’ailleurs assez longtemps que nous parlons folie.

— Connaissez-vous les secrets de la tombe ?

— Vous appelez cela parler raison ?

— Oui, mon beau-père, répondez-moi.

— Eh bien ! non, je ne connais pas les secrets de la tombe, et vous ne les connaissez pas plus que moi, Lilia.

— Je le sais, cher beau-père, et voilà précisément ce qui me rend très-circonspecte dans les égards que je dois à mon mari mort. Sais-je si mon mari, dans une forme invisible, n’est pas toujours attaché sur mes pas ! Sais-je si les morts, ou si les âmes quittent réellement ce bas monde, après le dernier soupir ? Sais-je si ceux qui nous ont aimés ne continuent pas de nous aimer encore, pendant toute notre vie, et si leurs yeux, que nous croyons éteints, ne sont pas continuellement ouverts sur nos plus secrètes actions ?

— Eh bien ! après, Lilia ?

— Après, demandez-vous ? Comment, cher beau-père, vous ne devinez pas le reste voulez-vous me faire dire quelque sottise ?

— Quelle sottise, Lilia ! Eh bien j’admets que votre mari, quoique mort, vous aime toujours, et vous suive pas à pas…