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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/292

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— Vous admettez cela, et vous voulez que je donne à ce pauvre mort le tableau scandaleux… Oh ! mon cher beau-père, ne m’en faites pas dire davantage : j’en ai trop dit ; la rougeur me couvre le front.

— Lilia, vous êtes folle !

— Soit, mais je garde mes idées sur le veuvage, et je pars pour l’exil, avec mes souvenirs pour toute provision de voyage.

— C’est ton dernier mot, Lilia ?

— Oui.

— En ce moment des agents de la Sainte-Hermandad entrèrent dans l’habitation, pour conduire à la marine la famille d’Elbonza, violemment soupçonnée de haute trahison contre le gouverneur de la Havane, et le représentant du roi des Espagnes.

— C’est une atroce calomnie s’écria le beau-père ; le roi n’a pas de serviteurs plus dévoués que nous.

Les agents avaient ordre de ne rien écouter, ce qui prévient les embarras d’une explication.

Lilia prit ses écrins de diamants et ses reliquaires de parfums, et s’achemina vers le port où le vaisseau de l’exil était en partance, ancre levée, voiles au vent, pilote au gouvernail. L’horizon maritime, couvert de nuages cuivrés, n’annonçait pas une bonne nuit aux matelots. On était dans la saison des ouragans des Antilles ; ces tempêtes qui déracinent les forêts, lancent les vaisseaux dans les savanes, et bouleversent les profondeurs de l’Océan.

— Dans une heure, nous allons avoir un fameux ouragan,