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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/307

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ne s’attendait point à cette subite proposition matrimoniale, qui, du reste, est dans les mœurs des rois anthropophages et absolus ; elle fit un léger mouvement nerveux, comme la gazelle qui vient de flairer, à l’abreuvoir, la trace d’un lion ; mais, ce premier frisson passé, elle se garda bien de témoigner la moindre surprise, et le roi ayant refait sa pantomime, croyant ne pas avoir été compris, Lilia baissa modestement les yeux, comme une jeune fille qui écoute pour la première fois parler mariage à la grille du couvent.

Le roi, plein de fatuité comme tous les hommes sauvages, interpréta en sa faveur le silence modeste de Lilia, et, se tournant vers ses gardes, il donna un ordre bref en désignant la principale hutte, qui était le palais royal.

Les femmes du roi avaient tout entendu, quoique placées à grande distance de l’entretien, et elles échangèrent entre elles des paroles qui, à coup sûr, ne composaient pas l’éloge du bon goût du roi.

Les gardes conduisirent Lilia au palais royal avec les honneurs dus à son rang. D’Elbonza fit au hasard quelques pas pour suivre sa belle-fille, mais d’autres gardes le conduisirent dans une hutte qui servait de prison, dans les guerres que la tribu du Liquidambar soutenait contre la tribu du Serpent.

Le harem du roi était dans une position charmante qui rappelle, dans des proportions très-subalternes, la pointe du sérail à Constantinople. Ce harem peut contenir cinq ou six femmes et autant de nattes ; il est construit sur une pointe de rocher au bord d’une petite rivière qui prend sa source dans l’intérieur de la presqu’île, et descend à la mer dans le