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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/333

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Virgile, en écrivant ce vers, se l’appliquait à lui-même ; dès qu’il lui tombait quelques sexterces du haut du Palatin, il allait s’embarquer à Brindes, pour revoir la Grèce et suivre le conseil de son ami Horace :

Exemplaria Græca
Nocturnâ versate manu, versate diurnâ ;


aussi, grâce à ces voyages fréquents au pays d’Homère, d’Euripide et de Théocrite, il a fait de sa langue latine une seconde langue grecque et conquis une gloire qui rayonnera encore lorsque toutes les autres gloires ne pourront plus descendre le chemin de la postérité, pour cause d’encombrement.

Je me suis donc figuré, en voyageant économiquement dans la Troade, à travers les omnibus du faubourg Montmartre, que, devant Troie, le rivage était couvert de sable, comme au Prado marseillais. Me suis-je trompé ? Corrigez mon erreur, et excusez-moi ; il m’a toujours manqué un vaisseau gratuit pour aller visiter ce rivage. La nature du sol n’a pas changé à coup sûr depuis Agamemnon : s’il était rocailleux, il est encore rocailleux ; s’il était sablonneux, il est sablonneux. Veuillez bien me suivre dans mon raisonnement hérissé de parenthèses ; nous arriverons toujours au but. C’est une théorie que j’ai bâtie sur le sable : si vous m’envoyez un rocher, ma théorie s’écroule. Heureux marin, que de choses vous avez apprises, grâce au prince Menschikoff, le même ambassadeur qui m’a fait perdre à la Bourse, dans une baisse de 2 francs, tout juste la somme que je destinais à visiter les domaines d’Agamemnon et d’Hector. Je ne pardonnerai jamais cette baisse au prince Menschikoff, même