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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/334

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après l’évacuation des principautés ; mon égoïsme m’interdit ce pardon, si la Russie ne m’indemnise pas. En ce moment, on nous annonce que tout est fini, et que les deux Bosphores vont s’embrasser devant la tour d’Héro et Léandre, Dieu soit béni ! mais les innombrables Européens que cette stupide question a ruinés prétendent que tout n’aurait pas dû commencer, et chantent en chœur latin ce prodigieux vers, dans lequel Horace a si bien jugé toutes les questions d’Orient :

Quilquid delirant reges plectuntur Achivi.

Donc, pour la seule faute et les emportements d’un ambassadeur,

Unius ob noxam et furias Ajacis Oilei,


je suis obligé de renoncer au voyage de Ténédos, de vous de mander des renseignements, de vous ouvrir de nombreuses parenthèses, et de vous indiquer à tâtons et en aveugle un terrain où se trouve pour moi la véritable question d’Orient.

Parlons au sérieux et rentrons dans ma théorie de classibus hic locus ; il en est temps, n’est-ce pas ? Tâchez de me suivre, mon cher ami, sur un chemin qui peut-être n’existe pas. Les Grecs avaient formé un retranchement à peu de distance de leurs vaisseaux ; avez-vous relevé le gisement de cette palissade ? Hector le renversa avec une poutre ; c’était le jour où ce héros rentra dans Ilium, couvert des dépouilles d’Achille, exuvias indutus Achillis. Or, je présume qu’entre cette palissade et les vaisseaux il y avait un large espace sablonneux, où les Grecs s’amusaient à des jeux innocents dans les entr’actes de leur drame de dix années. Tous les jeux à raies et à