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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/336

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de Troie. Ici cette question d’Orient devient beaucoup plus sérieuse que l’autre, à cause des contradictions furieuses qu’elle va soulever, et qui peuvent amener un casus belli entre la Chine, l’Inde et moi. Un mandarin illettré de la ville Kai-Fong a, dit-on, inventé les échecs à l’embouchure du fleuve Hoang-Ho, qui se jette dans la mer Jaune. Ce mandarin florissait sous le règne de l’empereur Fo-Hi, l’inventeur du mariage et de l’écriture, 2,953 ans avant Jésus-Christ. Rien que cela.

D’un autre côté, on affirme que Pythagore de Samos, voyageant vers le Gange, 525 ans avant l’ère chrétienne, a inventé le moulin de Pythagore, le carré de l’hypothénuse et les échecs, à Almora, sur les rives du fleuve Saint. On attribue enfin cette noble invention à un bonze de Bénarès, et à un porteur de palanquin qui faisait un service de cheval de Ringpur à Sikim, et, dans ses relais, s’arrêtait aux bords du Gange, et jouait avec du sable et des cailloux.

Personne n’admire plus que moi le génie de la Chine et de l’Inde, mais je refuse hardiment à ces deux pays l’invention des échecs, et je rends à Palamède ce qui appartient à Palamède. Une seule chose me plongeait dans l’indécision à une époque : sur la foi d’Euripide, je ne croyais pas le moins du monde à l’histoire du siège de Troie ; vous savez qu’Euripide nie l’existence d’Hélène, et traite de fantôme la femme de Ménélas. Si Hélène n’a pas vécu, me disais-je, il n’y a pas eut de siège de Troie et pas de Palamède. Cela me rendait perplexe, et je me disposais volontiers à transplanter cette grande question d’Orient chez les Chinois ou les Indiens. Toutefois, après de mûres réflexions, je revenais à Palamède. Euripide