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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/341

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voulez que ça finisse, rendez-nous ma belle-sœur, avec une indemnité de cinq cent mille Priams d’or.

Le parlementaire demanda la permission d’étudier encore quelques parties d’échecs, ce qu’on lui accorda. Rentré à Troie, il enseigna le jeu aux cinquante enfants de Priam et à Hélène. Les échecs firent fureur, à la ville comme au rivage. Assiégeants et assiégés ne juraient plus que par Palamède. On ne rêvait que gambit ; on jouait avec une frénésie égale ici et là, ce qui explique nettement ce vers du poëte :

Iliacos intra muros et luditur extra.


Enfin, Hélène et Paris jouaient nuit et jour aux échecs, ce qui était, pour une moitié du moins, à l’avantage de Ménélas : Palamède lui avait fait ce doux loisir.

Voilà maintenant la longueur éternelle du siége de Troie très-naturellement expliquée ; des maris peuvent jouer dix ans aux échecs sans songer que leurs femmes vieillissent ; mais une armée de tant de rois et de tant de pirates ne peut passer deux lustres devant une ville pour en arracher une femme de quarante ans et la rendre à son mari ; à l’époque du rapt, Hélène avait l’âge des femmes mariées qui se laissent enlever, l’âge des femmes de Balzac : elle était donc quarantainaire quand Ilium fut pris. La vogue du jeu d’échecs explique tant de patience, de retard et de temps perdu. Vous comprenez mieux que personne cette théorie, à Besika ; vous surtout, mon cher ami, qui jouez de seconde force aux échecs. Toute l’escadre, n’est-ce pas, anglaise ou française, joue encore au jeu de Palamède devant Ilium, et