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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/348

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dans cette guerre homérique de dix ans, les dieux se mettaient toujours de la partie et jouaient un rôle dans les deux armées. Avec les prodiges on explique tout, et lord Byron aurait compris que les héros olympiens d’Homère ne pouvaient pas être soumis à une expérience physique, comme le simple mortel, le nageur d’Abydos.

Ainsi encore, à moins d’un prodige, si la ville de Troie était sur une hauteur, on ne peut admettre le cheval d’Ulysse et d’Epéus. Un cheval de bois grand comme une montagne, instar montis, monté sur des roues, pedibus rotarum subjiciunt lapsus, avec des cordes au cou, stuppea vincula collo, et qu’on traînerait par le cou au sommet du Mont-Valérien, nous paraîtrait un prodige assez étonnant. Même en plaine, ce tour de force serait assez merveilleux. Mais l’intervention des divinités comme machinistes n’est jamais admise dans des opérations semblables. Virgile ne parle pas des dieux à propos du roulage du cheval de bois ; il dépeint ce transport comme une chose fort naturelle et que lord Byron peut mettre à l’essai. Prenez un cheval haut comme une montagne, un hobby-horse, grand comme Saint-Paul de Londres, par exemple ; mettez un régiment dans ses cavernes, cavernæ ; remplissez-le d’armes, fœta armis, et laissez-le debout sur ses quatre pieds gigantesques, puis essayez de fixer quatre roues sous ses sabots ; liez une corde à son cou, et traînez-le de la plaine de Saint-Denis jusqu’au milieu de la ville : je crois que le tour ne réussira pas, comme l’imitation dé Léandre au détroit d’Abydos. N’importe ! ce conte bleu du cheval est bien amusant, et Virgile y a déployé tant d’esprit et de mélodies italiennes, que nous croyons tous aux