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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/84

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rencontré çà et là, sur notre passage, des antipathies invincibles, des caractères graves qui ne voulaient pas s’accommoder de nos mœurs légères et s’obstinaient à ne pas rire de notre gaieté.

Ainsi, par exemple, si nous eussions couru militairement le monde, au temps de Périclès et de Sésostris, nous aurions été fort bien reçus à Athènes et fort mal à Memphis. Nos vaudevilles auraient été applaudis par les Grecs rieurs, et sifflés par les austères Égyptiens. Les tempéraments varient selon les temps, les mœurs, les latitudes, et tous les peuples ne sont pas admis à comprendre également le français.

Toutefois, nous pouvons le dire, les compensations historiques sont à notre avantage ; au moment où un petit village italien, situé entre Viterbe et Baccano, s’insurgeait contre un régiment de la France républicaine, toute l’Inde se déclarait en notre faveur. Nous excitions les sympathies les plus passionnées chez les fils d’Aureng-Zeb et les adorateurs de Brama. On aimait avec enthousiasme les Français depuis les bouches du Gange jusqu’à Ceylan, et, malgré leur éloignement géographique et la différence de leur religion, les deux peuples semblaient être nés pour vivre ensemble, en parfait accord. Les soldats de Dupleix et nos braves corsaires fondèrent cette harmonie. Les Indiens comprenaient tout ce qu’il y avait de charmant et de sérieux dans la frivolité de ces hommes de France, qui faisaient trembler le Bengale un jour de bataille, glissaient en riant sur l’écume de leurs golfes, jouaient avec les tigres dans les jungles, et donnaient un bal le lendemain d’un combat ou la veille d’un assaut.

Cette appréciation du caractère des deux peuples explique