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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/85

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nos succès dans l’Inde, sous Dupleix, et démontre tout le parti qu’un conquérant habile pouvait tirer de l’alliance d’un peuple qui voulait être notre ami.

Les Mahrattes qui s’étaient réunis à lord Cornwallis, après avoir perdu tout espoir d’être secourus par la France, revinrent subitement à leurs premières affections, quand ils se trouvèrent en présence de leurs anciens amis d’Occident et de leurs frères indiens ralliés à la cause de Bonaparte. Le combat devenait impossible, car les peuples du Dékan, enrôlés dans les deux armées, se réunirent fraternellement dès qu’ils se reconnurent sur le champ de bataille. Deux mille Anglais isolés en plaine, après cette défection, n’étaient plus un obstacle sérieux ; ils se retirèrent en bon ordre dans la direction de Nellore, suivirent les rives du Pennar jusqu’à l’embouchure de ce fleuve, et, longeant la côte, ils gagnèrent Madras et leurs vaisseaux ancrés dans ce port.

L’armée française continua sans obstacle sa marche jusque sur les rives du Palaur ; là elle s’arrêta une nuit, pour préparer son entrée triomphale dans la capitale du Mysore. On vit alors une seconde fois, au Bengale, mais dans des proportions bien plus vastes, ce qu’on avait vu, trente années auparavant, lorsque tout le peuple de Madras sortit pour recevoir Dupleix et jeter sur son passage toutes les fleurs et toutes les palmes du Coromandel.

Entrer en vainqueur dans une capitale d’Europe, c’est humilier un peuple, et préparer des représailles ; c’est se faire le débiteur de l’avenir : voilà ce qu’on n’a point vu, dans ces deux grands jours, à trente années d’intervalle, devant Madras et Seringapatnam. Typpoo-Saïb, sa famille, sa cour, ses