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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/97

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habité par des hommes et non par des dieux indiens, est divisé bourgeoisement avec toutes les attentions exquises du confortable national. Le parc, qui entoure la pagode, devait rencontrer dans la nature même du climat d’Angleterre de grands obstacles de végétation. Malgré tout le pouvoir de l’or, il est impossible de faire pousser en plein air anglais des boababs, des caquiers, des ébéniers, des naucléas, des érables, des mancenilliers, des aloës, des euphorbes, des cactus, des mimosas, des hibiscus, des yucas gloriosas, des palmiers, des bananiers, enfin toute la famille luxuriante et frileuse de la flore indienne. L’or inépuisable d’un nabab ne peut acheter un rayon de soleil du Coromandel. Eh bien ! malgré cette impossibilité géologique, et grâce à l’or du nabab, on a planté derrière la pagode un merveilleux mensonge végétal, qui a pour les yeux tous les charmes de la réalité. L’artiste chargé de construire toute une famille d’arbres tropicaux en fer de fonte et en feuilles vertes et souples de zinc, est un horticulteur pépiniériste de Wellington-Seminary, il a dessiné son paysage métallique avec un art que la nature atteint rarement dans ses plus belles exhibitions virginales des allées de Solo et du Tinnevely. Il y a même de sombres fouillis de jungles peintes, où s’accroupissent en sphinx, la gueule béante et l’œil en feu, des tigres empaillés qui donnent un moment de terreur aux invités candides du nabab Edmond, et tiennent à distance ses chiens, toujours posés de loin, comme des Œdipes quadrupèdes, devant ces sphinx jaunes rayés de noir.

La domesticité du nabab est vêtue à l’indienne ; il serait de mauvais goût, dans une pagode, et sous ces arbres, quoi-