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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/111

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DU VOIR-DIT.

Dont ſouvent ay eſtranglé maint ſouſpir
Pour ce que trop profondement ſouſpir.
Après, Deſirs ne me laiſſe durer,
Si n’ay pas corps pour tels fais endurer ;
Car feble ſuis, dont pieçà ſuſſe morte
S’Eſpoirs ne fuſt qui .j. po me conforte.
Et ſi ne ſay que c’eſt de ceſt eſpoir,
Car pas ne vient, ſi me deçoit eſpoir.[1]
Et s’ay cauſe de penſer le contraire
De ce qu’il diſt ; pour ce ne ſay que faire.
Or ſoit ainſi com Dieus l’a ordené ;
Mais je vous ay ſi franchement donné
Moy & m’amour que c’eſt ſans departir ;
Et s’il convient ma vie du corps partir,
Jà ceſte amour pour ce ne finera,
Qu’après ma mort m’ame vous amera.

Et elle m’eſcript en la guiſe
Qui eſt yci d’arrière miſe ;
Mais dedens ſa reſcription
Fu ceſte lamentation.[2]


VII. — Mon tres-dous cuer & vray amy j’ai receues vos lettres. Depuis que je eus ycelles receues, le .iiij.e jour enſievant[3] je receues ycelles de quoy vous m’avez eſcript, & auſſi les chanſons ; de quoy je vous mercy tant doucement comme je puis. Et en l’ame de moi, elles ſont toutes ſi bonnes & me plaiſent tant & auſſi tout quanque vous m’eſcrivez : car je ne preng confort ne esbatement fors en veoir & en lire ; & y preng ſi grant plaiſance que je en laiſſe ſouvent autres beſongnes. Si vous pri, mon tres-dous cuer, qu’il vous plaiſe de les moi envoier notées, &

  1. Ici eſpoir a le ſens de peut-être.
  2. La lamentation ou complainte précédente.
  3. C’eſt-à-dire : le 4e jour après avoir reçu vos lettres, je reçus celles que vous m’aviez auparavant écrites, &c.