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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/112

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LE LIVRE

vous pri que vous les me envoiez avant que vous les monſtriés à nul autre : car, par ma foi, tant comme j’ay des voſtres je ne quier nulles autres aprendre. Et ſe je vous ay eſcript que ſe je fuiſſe uns homs, je vous véyſſe bien ſouvent, par ma foi j’ay dit voir ; mais pour ce, n’eſt-ce mie que je vueille que vous veniés vers moi, ſe n’eſt à l’aiſe & ſanté de voſtre corps. Ainſois vous pri, ſur l’amour que vous avez à moi, que vous ne vous metés en chemin de venir, juſques à tant que li chemins ſoit plus ſeurs, & auſſi que vous ſoiez en milleur ſanté, laquelle je prie à Noſtre Seigneur qui la vous doint tel comme mes cuers deſire. Et par ma foi je croy certainement que vous avés auſſi grant deſir de moi veoir comme j’ay de vous. Si vous pry, mon tres-dous cuer, que vous oſtés de voſtre cuer treſtous meſchiefs & toute ire ; car, en l’ame de moi, je ne puis avoir bien ne joie, tant comme je vous ſente à meſchief ; & je ne cuide pas que vous ne autre péuſt penſer le grand deſir que j’ay de faire choſe qui mette voſtre cuer hors de toutes doleurs & qui le mette en aiſe & en parfaite joie. Et ſi, n’aiez nulle doubte que, tant comme je viveray, ma volenté ne fera changiée. Et vous prie que, le plus toſt que vous porrés, vous vueilliés faire le chant des chanſons que vous m’avez envoïes ; & par eſpecial, L’œil qui eſt le droit archier, & Plus belle que li biaus jours ; & ces .ij. me vueilliés envoyer le plus toſt que vous porrés. Et ſur l’autre chanſon baladée je en ay fait une autre ; & s’il vous ſemble que elles ſe puiſſent chanter enſemble, ſi les y faites. Je n’en ay encores fait que une couple, car les voſtres ſont ſi bonnes que elles m’esbahiſſent toute : ſi vous pri que vous y vueilliés amender ce qui y ſera à amender. Et, pour Dieu, mon dous ami, ne vous mettez point à chemin, juſques à tant que il y face meilleur & meilleur temps pour vous : car je auroie plus chier que je ne vous véyſſe d’un an, ce qui me ſeroit moult grief, que ce que vous veniſſiés en doubte & en péril de voſtre corps : mais, ſur toutes riens, je vous pri que je oie nouvelles de vous le plus