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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/113

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[vers 1292]
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DU VOIR-DIT.

ſouvent que vous porrés. Mon tres-dous ami, je prie à Noſtre ſeigneur qu’il vous doint pais, ſanté, léeſce & joie de tout ce que voſtre cuers aime.

Voſtre loial amie.


Cette complainte me tramiſt[1]
Dedens ſa lettre, & ce me miſt
En grant joie & en grant triſteſce ;
Car ce eſtoit la droite adreſce
Et le chemin de deſconfort ;
Mais ſa lettre eſtoit de confort.
Et en mon cuer eſtoit l’eſpine
De ſa complainte fémenine,
Qui faiſoit mon grief empirer,
Et mon cuer ſouvent ſouſpirer.
Et d’autre part la douce atente
D’avoir s’ymage douce & gente
Qu’en ſa lettre me promettoit,
Si grant joie en mon cuer mettoit,
Et me faiſoit ſi grant profit
Que, par celui Dieu qui me fiſt,
Je n’en voſiſſe pas avoir
Tout le bien, la joie & l’avoir
Que je péuſſe deviſer,
Tant y péuſſe bien viſer.
Mais n’avoie encor riens reſcript
À la lettre qu’elle m’eſcrit ;
Et tout ainſi comme refcrire
Si voloie, on me vint dire
Une merveilleuſe aventure
Qui trop me fu diverſe & dure.

  1. La complainte tranſcrite avant cette lettre.