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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/146

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[vers 2144]
LE LIVRE

Ains ſe ſéoit toute ſeulette,
Fors, ſans plus, d’une pucellette
Qui aloit cueillant des florettes,
Marguerites & violettes.
Car elle eſtoit en ſon vergier,
Où j’entray ſans faire dangier.
Tres-humblement la ſaluay,
Mais au ſaluer tout muay.
Lors elle me priſt par la main,
Et dit : « Amis, par ſaint Germain,
« Grief m’eſtoit que je vous véiſſe
« Et qu’aucune choſe apreniſſe
« De vos choſes & de vos fais
« Qui ſont à ma loenge fais. »
Et je, forment la reſgardoie,
Mais nulle choſe ne diſoie :
Lors priſt doucement à chanter
Et diſt ainſi en ſon chanter :

Amis, amés de cuer d’amie,
Amés comme loiaus amis.

Je li reſpondi, ſans demeure,
Ce Rondel que je fis en l’eure :

RONDEL.

Douce dame, quant je vous voy,
Mes cuers ne ſcet que devenir ;
Ne je ne ſay que faire doy,
Douce dame quant je vous voy.
Car Honte & Paour ſont en moy,
Qui me font trembler & fremir ;
Douce dame quant je vous voy
Mes cuers ne ſcet que devenir.