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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/149

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DU VOIR-DIT.

Mais j’avoie un trop cruel hoſte
En Déſir qui ne ſe partoit
De mon cuer, ainſois le partoit ;
Car je véoie, vis à vis,
Son gentil corps fait à devis,
Son dous œil, ſa riant bouchette,
Plus que cériſe vermillette.
Si me ſembloit qu’elle déiſt :
« Baiſiés-moy. » Dieus ! qui ce féiſt.
Il n’eſt paradis qui le vaille.
S’avoie en moi une bataille
D’ardant deſir & de penſée
Qui fu de Paour engendrée,
Et fu fille de Couardie.
Là Honte ne s’oublia mie,
Ains y vint, malgré Bon-eſpoir
Qui s’eſtoit oubliés, eſpoir.
Si ſentoie en moy une ardure
Entremellée de froidure,
Et pleine de tele matiere
Qu’elle art ſans feu & ſans fumiere.
Il avoit là un ceriſier,
Q’on doit moult loer & priſier,
Qu’il eſtoit rons comme une pome ;
Et ſi avoit moult belle come,[1]
Et eſtoit de ſi bel afaire
Com Nature le ſavoit faire.
Si que d’illueques nous levaſmes,
Et deſſous ombroier alaſmes ;
Et ſur l’erbe vert nous ſéiſmes.

  1. Feuillage, chevelure.