Aller au contenu

Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
96
[vers 2254]
LE LIVRE

Là, maintes paroles déiſmes
Que je ne vueil pas raconter,
Car trop long ſeroit à conter ;
Mais ſur mon giron s’enclina
La belle, qui douceur fine a.
Et quant elle y fu enclinée,
Ma joie fu renouvelée.
Je ne ſay pas s’elle y dormi,
Mais un po ſommilla ſur mi.
Mes ſecretaires qui fu là
Se miſt en eſtant, & ala[1]
Cueillir une verde fueillette,
Et la miſt deſſus ſa bouchette :
Et me diſt : « Baiſiés cette fueille. « 
Adont Amours, vueille ou ne vueille,
Me fiſt en riant abaiſſier
Pour ceſte fueillette baiſier.
Mais je n’i oſoie touchier,
Comment que l’éuſſe moult chier.
Lors Deſirs le me commandoit,
Qu’à nulle riens plus ne tendoit ;
Et diſoit que je me haſtaiſſe,
Et que la fueillette baiſaſſe :
Mais cils tira la fueille à li,
Dont j’eus le viaire pali ;
Car un petit fui paoureus
Par force du mal amoureus.
Nonpourquant à ſa douce bouche
Fis lors une amoureuſe touche ;
Car je y touchay un petiot,

  1. Se leva.