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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/151

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DU VOIR-DIT.

Certes, onques plus fait n’i ot :
Mais un petit me repenti,
Pour ce que quant elle ſenti
Mon outrage & mon hardement.
Elle me diſt moult doucement :
« Amis, moult eſtes outrageus ;
« Ne ſavés-vous nuls autres jeus ? »
Mais la belle priſt à ſourire
De ſa tres-belle bouche, au dire ;
Et ce me fiſt ymaginer,
Et certainement eſperer
Que ce pas ne li deſplaiſoit.
Pour ce qu’elle ainſi ſe taiſoit.
Toutevoies, je m’aviſay,
Et tant la chieri & priſay
Que je li dis : « Ma chiere dame,
« S’il y a choſe où il ait blame,
« Ne ſe je vous ay riens meffait,
« Pour Dieu, corrigiés le meffait,
« Et de fin cuer le vous amende.
« Ma bele, or recevés l’amende ;
« Car fine amour le me fiſt faire,
« Par conſeil de mon ſecretaire ;
« Et grans deſirs m’i contraingnoit,
« Qu’à ce en riens ne ſe faingnoit.
« Et certes tant le deſiroie
« Que aſtenir ne m’en pooie : »
Si qu’ainſi m’eſcuſay ſans fable.
Et elle l’ot ſi agréable,
Qu’onques-puis nul mot ne m’en dit,
En fait, en penſer ou en dit,
Par quoy en riens je percéuſſe
Qu’en ſa bonne grace ne fuſſe.