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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/154

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[vers 2373]
LE LIVRE

BALADE.

Le plus grant bien qui me viengne d’amer,
Et qui plus fait aligier mon martire,
C’eſt de mes maus complaindre & dolouſer,
Et de mon cuer qui pour les ſiens ſouſpire.
Autrement ne fay mercy
Rouver, à vous que j’aim trop mieus que my ;
Mais bien poés véoir à mon ſamblant,
Qu’aſſez rueve qui ſe va complaignant.

Car je n’ay pas hardement de rouver,
Pour ce que po ſuis dignes, à voir dire,
Dou deſſervir, & ſi doy moult doubter,
Et moy garder que ne m’oie eſcondire :
Car s’il advenoit ainſy,
Vous ociriés voſtre loial amy,
Tres-douce dame ; & vous ſavés bien tant
Qu’aſſez rueve qui ſe va complaignant.

Si m’en aten à vous, dame ſans per,
Qui tant valez : Et ſavez que ſouffire
Ne porroit tous li mondes, pour loer
Aſſez vos biens, ne vo biauté deſcrire.
Et ſe vos cuers n’a oÿ
Moy complaindre des maus dont je languy,
Vueillés m’oÿr, rien plus ne vous demain,
Qu’aſſez rueve qui ſe va complaignant.

Voirs eſt que je me complaingnoie
Devant li ſouvent, & plaingnoie.
Dont doucement me reprenoit
Toutes les fois qu’il m’avenoit,
Et diſoit : « Vous vous eſtes plains,
« Dous amis ; dont viennent cils plains ?
« Par ma foi je vous gariroie