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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/169

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DU VOIR-DIT.

tournions.[1] Si vous pri que vous vous vueilliés esbattre aveuc les compagnons qui vous deſirront à véoir, & vous feront grant chiere, juſques nous ſoiens retournées ; & penre le temps ainſi comme il venra : car je penſe que le temps me anuiera bien autant comme il fera vous. Et eſchivaſſe volentiers ceſte alée, ſe je oſaſſe ne péuſſe bonnement ; mais j’ay eſperance que un de nos jours, que nous avons à ma retournée, ſi en vaurra bien .iiii. de ceus que nous avons perdus, à la peine & bonne diligence que je y metteray. Si vous pri, mon dous cuer, que vous vous vueilliés conforter, & tenir voſtre cuer en joie, & penſer que tuit mi deſir & toutes mes penſées ſont pareilles aus voſtres, quant à voſtre fait. Et, mon dous ami, ne vueilliés penſer ne ymaginer que je vous puiſſe laiſſier ne oublier, car ſe Dieus me doint joie de vous que j’aimme plus que tout le monde, quant je vous lairay, vous verrés toutes les rivières du monde retourner amont, & ne porroit avenir que je vous oubliaſſe pour choſe qui péuſt avenir, nés que porroie faire .i. nouviau monde de nient. Si que, mes dous amis, je vous pri que vous oſtés de voſtre cuer toute melencolie, car je ne porroie avoir bien ne joie, tant que je vous ſceuſſe à meſchief. Je pri Dieu qu’il vous doint honneur & joie de tout ce que voſtres cuers aime.

Voſtre loial amie.


Sa lettre bien conſideray,
Et lors contre moy eſperay[2]
Pluſeurs choſes à moy contraires ;
(Et auſſi fiſt mes ſecretaires,)[3]
Qu’elle en aloit hors de ſon eſtre,

  1. Que lundi ou mardi matin viendra avant notre retour.
  2. Eſperay, j’attendis, je prévis.
  3. Il ſembleroit que le ſecrétaire eût mis ſon dévolu ſur la ſuivante de Peronnelle.