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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/185

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DU VOIR-DIT.

tres-dous cuer, je me part de vous, & ne ſay quant je vous porray veoir ; ne je n’ay pas bien perſonne pour envoier devers vous, ainſi comme je ſoloie ; & ſi ne laiſſe perſonne qui me doie ne puiſt recommender ne ramentevoir à vous ; ſi que ſe vraie amour & voſtre bonté ne m’i ramentoivent, je ſuis perdus & mors : car nuls ſi grans meſchiés ne me porroit avenir, comme ſe je fuſſe de vous entroubliés. Si que il m’en convient du tout laiſſier convenir vous & loial Amour & voſtre bonté, & vivre en eſperance, en attendant la bonne journée que je puiſſe vers vous retourner. Et ce ſera quant je porray, & non mie quant je vorray. Mon tres-dous cuer & ma tres-douce amour, je prie Dieu qu’il vous doint pais, joie, & ſauté ; & grâce que nous nous puiſſiens brieſment à joie reveoir.

Voſtre tres-loial ami.


Je me parti le lendemain ;
Mais je me levay ſi tres-main
Corn je vi le jour ajourner ;
Qu’après congié, le ſejourner
Ne m’eſtoit pas moult honnourable,
N’à ma plaiſance profitable,
Pour ce que ne péuſſe vir
Ma douce dame, n’aſſevir
Mes yeux de li bien regarder.
Pour ce m’en alay ſans tarder
En une moult belle contrée,
Douce & bonne & bien atemprée,
Et où n’eſtoie pas hays :
Car li drois ſires du pays[1]
Me ſiſt grant honneur & grant feſte,
Et toute compagnie honneſte

  1. Charles, dauphin, duc de Normandie. (Voy. p. 71, v. 1529.)