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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/187

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DU VOIR-DIT.

Et auſſi pour mieus percevoir
S’elle m’eſtoit ferme & ſéure,
Li envoiay ceſte eſcripture ;
Car j’avoie dou mal aſſez,
Et tant qu’eſtoie tous laſſez
Dou porter & dou ſouſtenir ;
Si ne me pooie tenir
Que devers elle n’envoiaſſe,
Et, mon eſtat ne li monſtraſſe.


XVII. — Mon tres-dous cuer & ma tres-douce amour, j’envoie par devers vous pour ſavoir voſtre bon eſtat, lequel je deſire plus à ſavoir que nulle riens née, ne que de créature qui vive : & du mien, s’il vous en plaiſt à ſavoir, j’eſtoie en eſtat que homs amoureus doiſt eſtre, & auſſi comme vous me commandaſtes au partir, & je le vous promis. Je ne partiroie pour riens de ce pays ſans vous véoir ; mais, mon dous cuer, quant ce ſera, je ne vous porray véoir s’il ne vient de vous, & ſe vous ne querés lieu & temps, espace & loiſir de mi véoir : car de vous vient m’amoureuſe dolour, &, pour ce, faut que mes confors en viengne. Et pour Dieu, mon tres-dous cuer, vueilliez faire que uns jours vaille quatre, quant je ſeray vers vous ; car je n’i porray mie demourer tant comme je vorroie, Dieus le ſcet ; & ce me ſera le partir ſi dur que, par m’ame, je ne ſay comment je le porray porter ne endurer, ne comment je m’en conforteray : & c’eſt une choſe que je reſſoingne trop. Si, vous prie pour Dieu, que tant comme je ſeray près de vous, vous mettés peine de mi conforter pour le temps à venir : car, par Dieu, il n’eſt biens ne joie ne confors qui me péuſt venir, s’il ne venoit de vous ; n’onques mais dame ne fu tant aimée ne ſi loiaument deſirée comme je vous aim & deſir, ſans partir ne muer ; en ceſte pel mourray. Ma tres-douce amour, je vous verray brieſment, ſe Dieu plaiſt, & ſeray en l’oſtel ou je fui les autres fois.