Aller au contenu

Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/188

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
134
[vers 3147]
LE LIVRE

Si, me recommande à voſtre grâce, car vous ſavés que je ne vous puis bonnement véoir ne parler à vous, s’il ne vient de vous. Et, mon dous cuer, je n’ay mie ſi bien perſonne pour envoier à vous, comme j’avoie, puis ne vous vi-je. Si vous prie pour Dieu, que à ceſte fois vous me monſtrés l’amour que vous dites que vous avez à mi, par quoy je me porte gais, chantans & envoiſiés, jolis & très-fins loyaus amis. Mais, pour Dieu, ne faites choſe pour ma plaiſance dont on puiſt parler ; car, par ycelui dieu qui me fiſt, j’ameroie mieus morir ou que jamais je ne vous véiſſe, dont Dieus me gart ! car s’il advenoit, je ſeroie bien mors. Et, mon tres-dous cuer, je demourray .iii. jours ou quatre là où vous eſtes. Si me porrés des biens faire aſſès s’il vous plaiſt ; & pléuſt à Dieu que jamais ne m’en partiſſe tant comme vous y ſerés. Et, mon très dous cuer, uns biens d’amours donnés & receus amoureuſement & ſecretement vaut .c. ; & uns jours bien emploiés vault .i. an, & eſt remedes & confort contre la mort, contre Deſir & contre Fortune. Je n’en di plus, mais vous ſavés bien qu’aſſez rueve qui ſe complaint. Je ne vous envoie rien de Rondelet, car il ha tant de gent à ceſte court, & de noiſe, & tant m’i annoie que je y puis po faire de nouvel. Touteſvoies, je fais adès en voſtre livre[1] ce que je puis. Mon dous cuer reſcriſiez-moy voſtre bon eſtat & voſtre bonne volenté par ce meſſage. Je prie Dieu qu’il vous doinſt pais & honneur, ſanté & joie de quanque voſtre cuer aime.

Voſtre tres-loial ami.


Quant elle ot véu mon eſcript,
La Tres-belle ainſi me reſcript
Par mon meſſage, & ſans attendre.
Or vueilliés bien ſa lettre entendre :


  1. Le Voir-dit, qu’il compoſoit, on le voit, à meſure des événements.