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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/21

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v
SUR LE POËME DU VOIR-DIT.

du roi Philippe de Valois ; lui-même avoit été nourri, dès l’enfance, dans la maiſon du preux Jean de Luxembourg, roi de Bohême, & l’avoit ſuivi dans ſes dernières campagnes en Pologne. C’eſt pour ce prince qu’il avoit fait le beau poëme du Jugement d’amour, où il ſoutient que la dame à laquelle une belle mort enlevoit ſon amant étoit moins à plaindre que l’amant d’une infidèle maîtreſſe. Guillaume s’étoit enſuite attaché au roi Charles de Navarre : il lui avoit adreſſé le Confort d’ami, où les plus ſages conſeils étoient mêlés aux plus éloquentes conſolations. Pendant ſon ſéjour en Allemagne à la ſuite du roi de Bohême, il avoit fait grande attention aux compoſitions des chanteurs & muſiciens de ces contrées ; ſi bien qu’à ſon retour il avoit enrichi la mélodie françoiſe de nouveaux accords & de belles ſymphonies, en créant une école de chant qui faiſoit oublier l’ancienne routine. Mais il n’étoit plus jeune, il ne voyoit que d’un œil, & maintenant la goutte le retenoit dans ſa belle maiſon de Reims ; ce qui ne l’empêchoit pas de dicter encore de beaux dits & de compoſer d’excellens vers de chanſons.

La jeune demoiſelle écoutoit avec un vif intérêt tout ce qui lui étoit rapporté de Guillaume de Machaut. Elle ſavoit déjà pluſieurs des airs qu’il avoit faits & elle déſiroit connoître les