Aller au contenu

Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
[vers 4017]
169
DU VOIR-DIT.

« Ne rendu graces ne loenge. »
« Tu le ſcés bien, di le voir, ment-ge ? »
Je li dis : « Par ſainte Yſabel,
« Ma dame, vous parlés moult bel,
« Et puet-eſtre que dites voir ;
« Mais je vorroie bien ſavoir
« Voſtre nom ; ſi, m’eſcuſeroie
« Par devers vous, ſe je pooie. »
Elle diſt : « J’ay nom Eſperance :
« Voi-ci Meſure & Attemprance,
« Bon-avis & Confort-d’ami,
« Qui ſont touſdis avecques mi,
« Et qui t’ont fait maint biau ſerviſe,
« Non par devoir, mais par franchiſe. »

Je li fis lors la reverence,
Et les autres, en ſa préſence,
Moult humblement ; & m’acuſay ;
Qu’onques de rien ne m’eſcuſay,
Pour ce qu’Eſperance avoit droit
Et je le tort, en tout endroit.
Et ſi la merciay moult fort
De ſa grace & de ſon confort,
Qui m’avoit nourri & refait ;
Et des biens qu’elle m’avoit fait.
Lors Bon-avis prinſt la parole,
Qui bien & ſagement parole,
Attempreément, par meſure ;
Et diſt : « Dame, ſe meſpreſure
« Vous a fait, il le vous amende ;
« Car en meffait ne giſt qu’amende.
« Prenez-la, je le vous conſeil,
« Et ce me ſemble bon conſeil. »