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LE LIVRE

m’envoiez, je la tenray comme vraie & digne relique. Et vous eſtes ſi bonne & ſi ſage que vous ſarez bien que c’eſt à dire. Et auſſi me vueilliez faire ſi bien de voſtre ſuer que, quant je venray vers vous, nous puiſſons mener bonne vie ſans dangier.

À Dieu, mon tres-dous cuer, qui vous doint le bien & la joie que vous deſirés !

Voſtre loial ami.


Ma dame ainſi me resjoÿ,
Comme deſſus avez oÿ,
Par ſon gracieus mandement
Et par ſon dous commandement,
Com celle en qui tout mon cuer maint.
Or pri Dieu que vers li me maint
Brieſment, ſi ſeray aſſevis ;
Car plus ne me faut, ce m’eſt vis.
Mais jà Dieus ne me laiſt tant vivre,
Ains me toille honneur & mon vivre,
Quant de li me departiray ;
Car quant devers ſa part iray
Ce n’iert mie à repentir.
Si puis bien dire, ſans mentir,
Et s’en parole qui volra !
Mais certeinnement on verra
Tout clerement, je n’en doubt mie,
La fleur de lis croiſtre en l’ortie,
Et le fruit naiſtre en la racine,
Et fin baſme porter eſpine,
Et en ſuzin germer la roſe,[1]
Qui ſeroit moult eſtrange choſe ;
Aincois que queurre de tel laiſſe[2]

  1. Succin, ſubſtance bitumineuſe ; ambre jaune.
  2. Avant qu’on me voie aller, courir de tel pas, que…