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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/260

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[vers 4785]
LE LIVRE

Ceſte balade que j’ay dite
Eſtoit dedens la lettre eſcripte
Qui s’enſieut, & me reſpondoit
Ainſi comme reſpondre on doit.


XXVIII. — Mon dous cuer, frere, compains & vrais amis, j’ay receu vos lettres, & par mon frère .T. qui m’a dit qu’il ha longtemps qu’il ne vous vit en milleur eſtat que vous eſtes. Si en ay ſi grant joie que je ne porroie avoir greigneur de choſe qui me péuſt advenir, ſe n’eſtoit de vous veoir, que je deſir plus que nulle autre choſe. Et, s’il vous plaiſt, vous me venrés veoir au lieu que le porteur de ces preſentes vous dira, où je penſe à eſtre, ſe Dieu plaiſt, dedens les octaves de la mi-aouſt ; car nous devons partir ce lundi prochain venant, ma puer & moy, pour y aler, pour doubte de la mortalité[App. L.] qui eſt trop grant ou je ſuis ; & le plus toſt que je ſeray là, je le vous feray ſavoir. Si ne m’eſcrivés rien juſques à tant que vous orrés nouvelles de moy. Mon tres-dous cuer, je vous envoie ce que vous m’avés mandé, & vos paternoſtres. Et vous promet loyaument que je les ay portées, tout en l’eſtat que je les vous envoie, .ii. nuis & .iii. jours ſans oſter d’entour moy. Et depuis que li fremaillés fu fais ai-je tous jours porté les paternoſtres en ycelle maniere que je les vous envoie ; ſi vous pri que vous le vueilliés porter. Et je vous envoie unes autres petites, & un petit fremaillet pour voſtre ymage,[1] & les ay ainſi portées longuement en l’environ de mon bras. Si vous pri, mon tres-dous cuer, que il ne vous deſplaiſe ſe je les vous ay envoiés ſi tart ; car je ne le pus amender : & ſe j’ay nulle autre choſe qui vous plaiſe, ſi le me mandés, & je le vous envoieray de bon cuer ; car, par ma foy, je n’ay rien qui ne ſoit voſtre. Et ſe vous ne mettés diffe-

  1. Pour ſuſpendre au cou de ſon image. La meſure du bras de Péronne répondoit donc à celle du cou de l’image.