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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/266

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[vers 4891]
LE LIVRE

Ains ala en autre contrée.
Et au lieu je ne cognoiſſoie
Créature, ſe Dieus me voie,
À qui rien déuſſe prier,
N’en qui je m’oſaſſe fier.
Et s’on me diſt que j’envoiaſſe
Devers li, faire ne l’oſaſſe,
Car elle m’avoit deffendu,
Se ſa lettre avez entendu,
Que vers li point ne traméiſſe
Tant que nouvelles en oÿſſe :
Et ce fu .ii. mois tous entiers
Et aveuc ce j’entrai en tiers,[1]
Qu’onques de li n’oÿ nouvelle
Si que je ne ſavoie s’elle
Faiſoit d’eſcrire ce demour,
Par ruſe ou par deffaut d’amour.
Lors me prinſt trop à avoier, [App. LIII.]
Quant vers li n’oſoie envoier.

Adont, anemis qui ne dort,
C’eſt Deſirs qui m’a fait maint tort,
Tenoit en ſa main un tiſon,
Et ſi s’en vint en traÿſon.
Et dedens mon cuer ſe bouta,
Si que près le manoir tout ha
À force ars, malgré moy par m’ame,
Et mis tout à feu & à fiame.
Et Souvenirs qui conforté
M’a cent fois & joie aporté,
Qui tous biens faire me ſoloit,

  1. Au troiſième mois, vers la mi-oſtobre 1363.