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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/278

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[vers 5233]
LE LIVRE

« Que ne voy ma dame & n’oy,[1]
« Ne que nouvelles de li n’ay ;
« Et piece a que je ne finay
« De vivre & languir en attente
« Qu’à moy fuſt ou j’à li preſente,[2]
« Ou que nouvelles en oÿſſe
« Teles que je m’en resjoÿſſe.

« Et pour ce, Roy, je te depri
« Que vueilles oÿr mon depri,
« Et que de ton cuer les oreilles
« Ouevres, ſi que tu me conſeilles. »

Li rois ma parole entendi,
N’onques un mot ne reſpondi,
Tant que j’eus dit ma volenté
De s’onneur, & de ma ſanté,
Et toutes les conditions
De mes grans tribulations.
Et lors commença à ſourire,
Et en riant me prinſt à dire,
Sagement & de bel arroy,
Ainſi com il affier à roy :

« Amis, je t’ay moult bien oÿ,
« Et mon cuer as moult resjoÿ
« De tes courtois enſeignemens ;
« Mais ſi lons eſt tes parlemens,

  1. Ces vers rappellent ceux qu’on a tant reprochés au grand Corneille :

    Quelque ravage affreux qu’étale ici la peſte,
    L’abſence aux vrais amans eſt encor plus funeſte.

  2. Qu’elle recherchât ma préſence ou moi la ſienne. Vers déteſtable.