Aller au contenu

Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/289

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
235
DU VOIR-DIT.

Et s’il vous plaiſoit à moy envoier la copie de ce que vous avez fait de voſtre livre, je vous en ſaroie moult bon gré : ſi feriez grant aumoſne & me donriez grant esbatement ; & je le deſire trop à véoir. Et s’il ne vous plaiſoit, je ne le monſtreroie à nulluy. Mon tres-dous cuer, je vous prie qu’il ne vous deſplaiſe ſe je ne vous ay plus toſt eſcript ; car, par m’ame, je ne l’ay peu amender bonnement. Mes freres va pardevers le Roy ; ſi, vous prie que vous le voiez & que vous lui faciés telle chiere & à ſes gens auſſi come vous ſavez quil eſt bon doit faire ;[1] & s’il va en voſtre maiſon ne li monſtrez pas voſtre ymage ; car il m’eſt avis qu’il ne ſeroit pas bon. Mais je vueil bien que vous li dictes, un po & non pas trop, que vous m’amez & pour ce que je chante volentiers, & que vous m’avez avant envoié de vos chançons, pluſeurs ſoiz avant que vous me véiſſiez onques. Je ne vous ay riens eſcript par les gens de mon dit frere, pour cauſe que je le vous diray bien, quant il plaira à Dieu que je vous voie, laquelle choſe me tarde plus que ne fiſt onques nulle autre choſe. Et il n’eſt pas de merveille, car je ne puis avoir, ſans vous, nuls des biens du treſor dont vous avez la clef.[2]

Mon tres-dous cuer, je vous pry que, en tous eſtas que vous porrez, vous vous vueilliez conforter & esjoïr, & ne penſez mie que jà jour de ma vie je me doie repentir de vous amer, ne de faire quanque je ſaray qui vous doie plaire. Et certes je le doy bien faire, ſe onques femme le déuſt faire pour ſon amy ; car je voy bien que en tous eſtas vous amez & gardez mon honneur come la voſtre meiſmes. Et, par Dieu, quant il me ſouvient de vous de la journée que vous partiſtes de moy, & de l’onneur & dou bien que je trouvay en vous, tous li cuers me resjoïſt. Mon tres-dous cuer, je penſe qu’il ſera avant grant piece que

  1. En partant d’Unchères, ſon frère devoit paſſer par Reims pour ſe rendre à Paris, où étoit alors Charles V.[App. LXIII.]
  2. C’eſt-à-dire nulle des joies du cœur.