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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/290

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[vers 5494]
LE LIVRE

nous partions du lieu où nous ſommes ; ſi vous prie que le plus ſouvent que vous pourrez vous me eſcrivez de voſtre eſtat : & par ce meſſage, tout comment il vous a eſté depuis que je n’oÿ nouvelles de vous. Et ne doubtez mie à moy reſcrire longuement, car, par Dieu, toutes les foiz que je reçoy lettres de vous c’eſt la première choſe que je regarde ſe elles ſont bien longues & s’il y a beaucoup de choſes. Et quant je voy qu’elles ſont petites, je ſuis treſtoute courrecie. Si, ne doubtez mie que choſe que vous m’envoïſſiez me péuſt ennuyer. Et ſi, me poez eſcrire tout à loiſir ; car ce meſſage ne va par devers vous pour autre choſe que pour porter ces lettres. Mais il ne ſcet pas que je les vous envoie, car je les li ay faites baillier par un mien bon ami en qui je me fie moult & qui a eſté longtemps avec moy ; & l’ay ainſi fait, pour ce que je ne vueil mie que on ſaiche que je vous envoie meſſaige qui n’aille pour autre choſe. Mon tres-dous ami, s’il avient choſe que li pays ſoit ſeurs, tant que nous puiſſons aler où vous ſavez que nous yrons,[App. LXIII.] & ſitoſt come je ſeray là, ſoiez certains que je le vous feray ſavoir. Je prie à Noſtre ſeigneur qu’il vous doint joie de quanque voſtre cuer aime. Eſcript le xvii jour de ſeptembre. Mon tres-dous cuer & vray ami, je me recommande à vous, tant come li cuers de moy puet plus penſer, come celle qui eſt toute voſtre & qui plus regrette voſtre compaignie que ne fiſt onques turtre ſon per.

Voſtre loyal amie.
BALADE.[1]

Nuit & jour en tel traveil
Eſt le povre cuer de moy,
Car onques tourment pareil
Ne ſenti, ſi com je croy.

  1. Cette balade étoit enſermée dans la lettre.